Titel
Ego-histoires. Ecrire l’histoire en Suisse romande.


Herausgeber
Atelier H
Erschienen
Neuchâtel 2003: Éditions Alphil
Anzahl Seiten
458 S.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Chantal Lafontant Vallotton

Edité par un collectif de jeunes chercheurs (Atelier H), cet ouvrage réunit les récits de vingt historiens et historiennes en Suisse romande dont trois Neuchâtelois – Maurice Evard, Jean-Pierre Jelmini et Rémy Scheurer – qui ont cherché à dire pourquoi et comment ils se sont adonnés à l’écriture de l’histoire.

Le thème de départ du livre est le modèle d’ego-histoire développé par Pierre Nora: un historien peut-il parler de lui-même en historien? Peut-il se prendre lui-même pour objet d’étude? Et à quelles conditions? L’Atelier H (Alain Cortat, Pierre-Yves Donzé, Gilles Forster, Clément Jeanguenat, Stéphanie Lachat) a d’ailleurs choisi de donner la parole au célèbre historien français pour engager la réflexion. Dans une préface intitulée «L’ego-histoire, au départ», Nora explique à quoi correspondait le projet initial d’«ego-histoire» et évoque les conditions de sa naissance dans les années 1980. L’émergence d’une interrogation intérieure à l’objet historique est indissociable d'un renouvellement historiographique comportant l’ébranlement des repères traditionnels de l’objectivité historique, la remise de la personne humaine au centre de la pensée et de l’action et surtout la montée en puissance de l’histoire contemporaine dans l’enseignement universitaire, dont elle avait été pratiquement exclue jusqu’aux années soixante. L'apparition de l’«ego-histoire» est aussi inséparable du projet des lieux de mémoire conduit par Pierre Nora à la même époque, deux entreprises, pour reprendre les propos de l’historien, qui puisent à la même inspiration et constituent «les deux faces de la même médaille».

Ce cadre théorique posé, l’Atelier H rend compte des critères de définition adoptés pour la sélection des auteur-e-s. En premier lieu se trouve le désir d’offrir au lecteur un échantillon diversifié, tant au niveau géographique que de la carrière, des historien-ne-s romand-e-s. Le choix des auteur-e-s est en outre dicté par la volonté que les personnes interrogées aient derrière elles un parcours suffisamment long, qu’elles puissent représenter divers aspects de l’historiographie romande aussi bien au niveau chronologique que thématique et enfin qu’elles illustrent la diversité des carrières afin de ne pas s’arrêter aux seul-e-s professeur-e-s d’université. Ainsi on découvre également les récits d'un infirmier, d'un archiviste et d'enseignants.

En guise d’introduction, l’Atelier H dévoile d’emblée au lecteur quelques traits caractéristiques de la production historique en Suisse romande. Parmi ceux-ci retenons la prééminence d’une approche de l’histoire faite à l’échelle locale, celle du canton; la Suisse romande n’est pas appréhendée comme un espace de recherche et les analyses intercantonales semblent difficiles à conduire. Par ailleurs, sur le plan historiographique, les essais réunis font apparaître un enseignement très orienté jusqu’en 1970 vers le positivisme, où l’histoire événement prédomine et où l’Ecole des Annales n’a – à de rares exceptions – pas encore pénétré les structures académiques. Ce n’est que graduellement que de nouvelles interrogations et l’apport des méthodes d’analyse venues des sciences humaines vont investir le champ historiographique romand. Désormais, l’interdisciplinarité à laquelle la plupart des contributions font référence devient l’outil méthodologique de l’histoire problème.

Sur un plan social, les articles réunis montrent que, même si la majorité des auteur-e-s sont issus d'un milieu bourgeois, toutes les classes prennent part aujourd’hui à l’écriture de l’histoire. Les trois Neuchâtelois représentés dans cet ouvrage n’y font pas exception, puisque l’on y rencontre aussi bien le fils d’un horloger et employé d’administration que celui d’un mineur ou encore celui d’un menuisier-ébéniste. Dans une perspective de genre, les contributions rendent compte des difficultés spécifiquement éprouvées par les historiennes: les absences pour cause de maternité et les mentalités constituent pour ces dernières autant d’obstacles dressés sur leur carrière professionnelle. Il n'y a d'ailleurs que cinq femmes parmi les vingt auteur-e-s recensé-e-s dans cet ouvrage. Enfin, plusieurs essais témoignent du capital symbolique dont jouit (ou jouissait?) l’historien. Dans bien des cas, la pratique de l’histoire locale s’avère même une voie vers l’appartenance, puis vers la reconnaissance sociale.

On l’aura compris, ce recueil dresse un portrait étonnant de la diversité de la production historique en Suisse romande. Mais il souffre d'un manque d'unité: seule une minorité des articles est véritablement rédigée dans l'esprit de la préface de Pierre Nora. Il souffre en ce sens d'une approche partielle de l’exercice de l’ego-histoire. Nombre d'auteur-e-s n'évitent pas le piège de l'anecdotique et de la complaisance, alors qu'on voudrait en savoir davantage par exemple sur les interactions entre leur manière de faire l'histoire et leur engagement politique ou encore sur les difficultés auxquelles ils ont été confrontés. Cela dit, il convient de saluer cette heureuse initiative et de se réjouir de ce panel diversifié, dont les réflexions proposées en ouverture de l'ouvrage font de ce dernier une pièce de choix dans toute bibliothèque d’historien-ne-s.

Citation:
Chantal Lafontant Vallotton: compte rendu de: Atelier H, Ego-histoires. Ecrire l’histoire en Suisse romande, Neuchâtel: Ed. Alphil, 2003, 458 p. Première publication dans: Revue historique neuchâteloise, année 141-4, 2004, p. 275-276.

Redaktion
Veröffentlicht am
08.11.2010
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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